Marcher, marcher vite, marcher de plus en plus vite...
La route est belle, tout est vert autour de moi, les oiseaux décollent sur mon passage, il pluvine, des petites gouttelettes d'eau pas très chaude qui humidifie ma veste, veste pas très chaude qui commence à me coller comme une deuxième peau
Une descente s'annonce, je connais la route je l'ai faite des milliers de fois gamine
Le vent s'engouffre sous la veste, décolle cette seconde peau et la fait flotter à mes côtés tel la cape d'un quelconque super héros... Je ferme les yeux, écarte les bras, le vent fait voler ma veste et mes cheveux, me caresse les joues, essaye de refroidir ma peau... Quelle douce sensation de liberté, là, seule, sur une route de campagne un peu isolée entre champ et bois, ça sent bon la pluie et le printemps, ça sent bon la nature, ça respire le calme et la sérénité
Les gouttelettes grossissent un peu, mouillant un peu plus mes joues refroidies par le vent. Les gouttelettes grossissent et moi j'accélère encore...
Je cours, ça y est...
Premier tournant, je cours vite, deuxième tournant, j'accélère encore... j'accélère de plus en plus, je ne pense plus à rien, seulement à mes pieds qui martèlent le sol, à l'onde de choc qui court le long de mes jambes, à mes cheveux qui ne peuvent s'empêcher de venir me chatouiller le nez, au vent et aux gouttes qui ne me caressent plus mais qui me giflent, je n'entends plus ma musique, l'écouteur est tombé, j'entends ma respiration, le bruit sourd de mes pieds frappant le sol, mon cœur dont le rythme lui aussi accélère...La vitesse me grise et m'emporte, je suis seule sur la route, je cours et je me sens bien, je ne pense à rien
Fin de la descente, je m'arrête prêt du pont, non pas parce que la descente est finie mais parce que la pointe entre mes côtes me ramène à la réalité... pliée en deux, essoufflée, les joues en feu, je finis par m'assoire sur le pont, face à l'eau cuivrée... comme avant. Je reprends doucement mon souffle, je ferme les yeux et écoute le clapotis du ruisseau en dessous de moi et ce que mes jambes me disent... la tension musculaire qu'a occasionnée cette course en elle, la libération pour mon corps d'un peu de ma tension nerveuse. Je souries, je tends le cou pour essayer d'apercevoir le sommet de la descente, voir la route qu'a empruntée ma folie passagère, mais la route est trop sinueuse...
Je reprends ma marche, il ne faut pas que j'arrive en retard...
Folie passagère ? Je n'en suis pas certaine... juste une explosion de sentiments, de mes sentiments un peu trop forts, un peu trop encombrants... un peu trop accumulés aussi, sûrement, mais on ne se refait pas... hélas...
Je rentre chez moi, sans oublier, au détour du petit bois de reprendre ma tristesse et ma mélancolie que j'avais cru avoir réussi à semer en haut de cette magnifique descente, de ce pur moment de plaisir et de liberté... Une course, une fuite... fuite contre quoi ? Fuite contre moi...
Courir la rage au corps...
Courir parce qu'on a la rage au cœur